Une vie de malvoyant sans angles morts
Salut vous, ça va ?
Il est loin le temps où je postais des critiques de jeux ou d’animés tout le temps. Aujourd’hui je n’ai plus forcément envie d’utiliser Meido Rando comme un coin pour donner mon avis sur des jeux ou animés : les réseaux sociaux font le taff et j’ai surtout l’impression que mon avis n’est plus aussi pertinent qu’il pouvait l’être à une époque. D’autres font de meilleures critiques que moi, et certains essayent même d’en vivre. Alors je préfère leur laisser la voie libre. Même si bien sûr, il suffit qu’une oeuvre me transcende pour que je veuille absolument vous en aprler en long, en alrge en travers. Oui Your Name et Wandering Inn, c’est vous que je regarde.
Non, cette fois je vais vous parler d’un sujet personnel, peut-être même le sujet le plus personnel de ma vie et que je n’ai jamais réellement traité par le passé ici. Mais les choses ont changé.
Comme vous le savez peut-être, je suis malvoyant. Alors la malvoyance c’est un domaine particulièrement complexe où il est difficile de décider si on voit suffisament pour être autonome ou non, et surtout où chaque type de malvoyance est différente. Du coup c’est galère pour adapter un site web, un jeu vidéo, ou un lieu ou produit à un malvoyant, parce qu’il y a plein de possibilités. Moi c’est assez simple à résumer :
- J’arrive à lire qu’à 5cm
- J’ai 1/20ème à l’oeil gauche, rien à l’oeil droit (mais je vois un peu sur ma droite avec la vue périphérique de l’oeil gauche)
- Je suis énormément aveuglé par la lumière du jour.
Et tout ceci de naissance.
Je suis né au début des années 1980 et les médecins ont attribué ça à la toxoplasmose que ma mère a eu pendant sa grossesse. Quand on sait ce qui peut arriver à un enfant victime de ça, on pourra dire que j’ai eu de la chance. Mais j’ai aussi reçu énormément de traitements pour limiter la casse.
Toujours est-il que je vis avec ça depuis ma naissance, et je me suis toujours adapté. J’ai aussi eu droit à énormément d’aide et de compréhension de mon entourage. Tous les profs n’ont pas été tous au point, mais la plupart l’étaient. Mes camarades n’ont pas toujours été cool non plus, mais je n’estime pas avoir subi plus de brimades que les autres (et bizarrement c’était durant mes études supérieures, en BTS, que j’ai rencontré les camarades de classe les plus cons que la Terre ait pu porter.)
Le temps qui passe
J’ai eu différentes périodes de ma vie au cours desquelles j’ai eu une vision (oui) assez différentes de mon handicap.
Durant mes études et jusqu’au lycée je vivais avec beaucoup d’insouciance car j’ai vécu principalement à travers mes hobby : les jeux vidéo, le manga et l’animation, et l’informatique. Je n’avais pour ainsi dire pas de vie sociale, je ne sortais pas ou si peu, bref j’avais pas vraiment besoin de mobilité. J’ai eu une canne blanche au lycée et même si elle ne servait qu’à me signaler aux autres, j’ai trouvé ça de plus en plus impossible de sortir sans.
J’aimerais aussi noter que mes parents m’ont poussé à aller dans des écoles normales, pas les écoles spécialisées dans lesquelles on reste dans une bulle, entre invalides, et où les débouchés sont incertains, mais bien une école normale, de la maternelle jusqu’à ma license. Ca a eu un double effet important, déjà c’était que je cotoyais des gens de mon âge valides, et eux ça leur permettait aussi de se rendre compte qu’il y avait des gamins différents d’eux mais pas tant que ça au final. Je suis certain que ça a ouvert l’esprit de certains à ce sujet.
Durant mes études supérieures je suis parti du cocon familial et j’ai vécu seul ou au moins avec des gens proches de moi sur lesquels je pouvais me reposer. C’était grisant, mais aussi, j’ai commencé à voir mes propres limites. Ce que je ne pouvais pas faire seul, et à quel point c’était galère de s’orienter ou de faire certaines choses comme… faire ses courses.
Heureusement la technologie est venue à mon secours, car on arrivait enfin, début des années 2000, à palier à certains de mes problèmes à un coût raisonnable : c’était le début des PDA et des GPS. Le PDA c’est l’ancètre du smartphone mais sans la partie phone encore, pour ceux qui ne connaissent pas. Grâce à ça je pouvais enfin me repérer et connaître mon chemin, même si la techno était encore jeune, pas hyper fiable (c’était pas évident de capter les satellites correctement à l’époque. Maintenant un smartphone moderne capte en 2 sec où il est mais c’était un bon début.
C’était aussi le début des voyages en France pour moi, et surtout des conventions. L’occasion de rencontrer des gens. Des gens cool d’ailleurs, qui sont aujourd’hui des amis à vie.
Mais plus je vieillissais, dans les années 2010 et au delà, plus je me rendais compte de mes propres faiblesses et de mon incapacité à parfois faire des choses sans aide.
La fierté mal placée
Beaucoup d’invalides vont vous le dire, on est tous fiers de pouvoir faire des choses par nous-même. Demander de l’aide, pour des choses insignifiantes comme aller acheter du fromage au supermarché parce qu’on y voit pas assez clair pour s’orienter dans ce lieu perverti du capitalisme, c’est vraiment quelque chose qui nous fait un petit peu mal. Comme si on se sentait diminué, rabaissé.
C’est évidemment complètement con.
Mais c’est un sentiment pervers qui nous habite et dont il est difficile de se détacher. On s’en veut d’y penser après coup, mais c’est comme quand quelqu’un vient vers vous et vous aide à traverser la rue ou vous propose de l’aide pour trouver quelque chose. Sur le moment on se dit « mais melez-vous de vos affaires, je vais y arriver. » et en fait on se rend compte que d’une, la personne n’a jamais pensé à mal en nous abordant, bien au contraire, et de deux, que bah de l’aide, on en a vraiment besoin, en fait.
Le miracle Internet et de la technologie
Je l’ai déjà un peu abordé plus haut mais je reviens un peu en arrière car j’ai découvert Internet réellement à la fin des années 90. J’ai pu rencontrer énormément de gens de tous horizons, et sans la barrière du handicap. Sans qu’ils sachent que j’y vois mal, sans subir de préjugé ou de discrimination quelconque. J’étais, pour la première fois, une personne normale. Ce genre de chose, on l’a vu montré dans pas mal d’histoires ces 20 dernières années. Je crois que l’un de mes premiers souvenirs de situation similaires c’était Hack Sign où l’un des personnages se trouve être en fauteuil roulant.
On crache beaucoup aujourd’hui sur les réseaux sociaux, à raison. On crache aussi parfois sur la technologie toujours galopante, qui tente d’aller plus vite, plus loin, mais on se rend pas toujours compte que cette technologie peut aider les plus malchanceux d’entre nous à mieux vivre, à vivre de nouvelles expériences. Quand je vois la réalité augmentée, le fait de pouvoir regarder autour de nous et « augmenter » notre vision avec des informations, vous n’avez pas idée. Qu’une IA soit suffisament évoluée pour me dire que ce que je vois ce sont des marches et les mettre en évidence sur ma vision, c’est quelque chose de… futuriste. D’incroyable. Ca pourrait changer ma vie. Ca me couterait un bras et il y aurait mille problèmes liés à la vie privée (qu’est-ce qui est fait des images que je « vois », par exemple ?) mais mettez un aveugle devant cette situation : il peut voir de nouveau, même partiellement, avec un niveau de confort jamais égalé pour lui, mais il doit avoir un compte Google et laisser ce dernier lui lâcher des pubs.
Moi je crois que la question elle est vite répondue.
Je vais prendre mon cas pour étoffer un peu mon argument : je suis un client Apple. Un gros client je pense. Enfin, dans le sens où j’ai plein d’appareils Apple mais je les renouvelle pas tous les ans comme certains afficionados le feraient. Mon iPhone a 5 ans. Ma watch pareil, mon iPad a 7 ans, etc.
Mais aujourd’hui je ne me vois pas changer de crémerie, acheter de l’Android par exemple. Parce que les produits Apple me conviennent totalement d’un point de vue fonctionnel. Ils m’aident au quotidien, ils me rendent service et ils le font de façon fiable. Mais surtout, surtout, ils sont adaptés en terme d’accessibilité. Et ça c’est largement le plus important. Aujourd’hui je suis dépendant de mon smartphone plus parce qu’il me donne un moyen de m’intégrer dans le monde réel. Donner à Siri une adresse, et laisser le tout me guider à la voix et à l’haptique (la montre vibre au moment où je dois tourner par exemple), ça n’a pas de prix pour moi. C’est la liberté, l’autonomie, et n’importe quelle personne, valide ou invalide, souhaite rester autonome.
Pour vous donner un exemple, mais ça ne fait que quelques années que les transports en commun sont réellement bien intégrés sur Plans d’Apple. Alors oui ça fait probablement longtemps que c’est le cas sur Google Maps, mais jusqu’ici j’utilisais des apps comme Transit pour savoir quel bus prendre pour aller d’un point A à un point B. La démocratisation des tickets de bus sur smartphone a rendu les choses abordables pour moi par exemple. Vous allez trouver ça super con bien évidemment, mais rien que pouvoir prendre les transports en commun sans avoir peur de me planter, c’est une vraie libération. Rien que le fait que je peux maintenant savoir dans combien d’arrêts je dois descendre, d’entendre les annonces des stations, pouvoir suivre mon propre point sur la carte, c’est incroyable.
Pour enfoncer le clou, ça renforce ma reconnaissance de mon environnement : en me suivant sur la carte, je vois que je passe à côté d’un cinéma, de tel ou tel restaurant, ou d’un magasin. Tout cela il y a 10 ans ça marchait pas partout, pas tout le temps. Parce que dans la vie réelle, si je regarde autour de moi dans le bus, par les fenêtres, je ne vois que des immeubles défiler. Je ne peux pas reconnaître les enseignes de loin. Voir sur un plan que « Oh y’a une FNAC a 150 mètres » bah ça m’aide. Enormément.
C’est vraiment con mais c’est un des nombreux exemples qui permettent à des gens comme moi de vivre normalement ou presque, de ne pas avoir à me demander si je fais pas chier quelqu’un en lui demandant de m’accompagner ici ou là et lui occuper une partie de sa journée ou de son après-midi.
Un dernier exemple pour la route : les caméras des téléphones aujourd’hui sont tellement perfectionnées qu’elles me permettent de mieux voir, de repérer quelque chose tombé par terre, ou de prendre une photo pour zoomer dessus plus tard afin de lire tranquillement ce qui y est écrit. On se dit que les caméras des smartphone « pro » sont vraiment inutiles au commun des mortels et c’est vrai. Mais pour moi, chaque petite amélioration est un grand pas en avant. Le fait qu’une caméra soit capable de voir correctement dans un endroit sombre ça m’aide tout autant.
La litière de mon chat est « connectée » dans le sens où je peux voir combien de fois il va dedans pour y faire ses besoins. J’ai un chat qui souffre justement de cystite : bah grâce à ça je suis capable de me rendre compte beaucoup plus facilement qu’il va à la litière trop souvent. Le fait aussi que la litière ramasse les crottes toute seule m’aide aussi beaucoup car je serais incapable de le faire correctement tous les jours, ou tout du moins ça serait particulièrement relou.
C’est probablement pour ça, pour l’aide que ça m’apporte, que je suis tant attiré par la technologie.
Et le monde du travail ?
C’est encore un sujet totalement différent, je sais. Quand je suis sorti de mes études en 2003 j’ai immédiatement cherché du taf et je n’en ai jamais trouvé. Pire encore, à égalité avec un camarade de promo, on a postulé au même endroit et lui a été pris et pas moi. J’ai rarement eu droit à des entretiens alors que j’avais pourtant tout ce qu’il fallait pour m’en sortir. Quand, un peu par dépit, j’ai passé un concours d’inspecteur (cadre) de la fonction publique, et que je l’ai eu, je peux vous dire qu’un énorme poids s’est soudainement évaporé. Après un an à chercher, chercher, encore et encore, j’avais décroché une place. 13ème sur 60, même. Je n’avais pas passé de concours « spécial » pour invalides, juste le normal, que plusieurs centaines de personnes ont passé avec moi.
Je me souviens encore de l’émotion de ma soeur au téléphone quand je lui ai annoncé la nouvelle, mais aussi de mes parents. C’était un grand tournant de ma vie. Parce que je savais que j’allais subir beaucoup moins de discriminations que dans le privé, et que j’allais être reconnu pour mes compétences.
Surtout, j’ai essayé de faire le maximum de choses, et je me sentais emmerdé de parfois demander à un ou une collègue de s’occuper d’un truc à ma place parce que le tableau qu’on nous a envoyé a des couleurs cheloues ou bien parce qu’il faut aller chopper le numéro de série du serveur dans la salle du sous-sol… J’avais l’impression de ne pas mériter mon salaire. Ce n’était pas vraiment un syndrôme de l’imposteur mais ça s’en approchait un peu. Et puis un jour, une personne m’a sorti quelque chose que j’ai trouvé très honnête et qui m’a marqué :
« C’est normal qu’une personne invalide mette plus de temps que quelqu’un d’autre à faire une tâche qu’on lui confie. Il ne faut pas l’oublier. »
Et en fait, c’est… vrai. Ca fait parfois mal de l’entendre mais c’est vrai, même si on se force à essayer d’être comme les autres, à ne pas demander d’aide, à émuler la vie des personnes valides, on ne peut pas, c’est physiquement impossible. Bien sûr il y aura toujours des cas où on arrivera à faire la même chose qu’une personne valide, mais on va forcément buter sur des obstacles qui vont nous prendre plus de temps ou nous obliger à faire les choses différement. A compenser.
Sauf qu’on s’en rend pas compte ! C’est inconscient. Pour nous on agit normalement sauf qu’en fait on ne fait que s’adapter et la personne valide elle va voir le souci sur un document immédiatement alors que nous il faut qu’on le lise de fond en comble pour se rendre compte qu’il y a un problème. Ou parfois on va complètement passer à côté.
Ce n’est pas une fatalité. Les gens doivent accepter qu’on peut prendre plus de temps ou ne pas pouvoir faire une tâche. C’est juste que comme on essaye d’agir comme des personnes valides, de compenser notre handicap par autre chose, on ne se rend pas compte qu’on est juste pas au même niveau et on donne l’impression aux autres qu’on l’est. On leur fait parfois oublier qu’on est invalide et ça se retourne contre nous.
Mais on apprend toujours de nos erreurs et aujourd’hui j’accepte de ne pas être au même niveau, mais je fais quand même de mon mieux. Et ça me suffit bien.
Ce qui a changé
Je vais pas réellement vous parler plus en détails de ma vie de tous les jours parce qu’elle a au final peu d’intêret. J’ai déjà suffisament parlé des obstacles que je rencontre au quotidien pour que vous ayez une petite idée de comment ça se passe.
Du coup, on va pouvoir aborder quelque chose dont j’ai déjà parlé à mes amis les plus proches.
Il y a maintenant presque deux ans, j’ai changé d’opthalmologiste étant donné que le précédent à pris sa retraite sans même en parler à ses clients. C’est un ophtalmo de clinique cette fois, et pas quelqu’un dans un cabinet. En voyant mon cas, il a émis des doutes sur le fait que ma malvoyance vienne vraiment de la toxoplasmose de ma mère mais plutôt d’une maladie génétique. Je suis donc allé voir un généticien sur Nantes entre temps, et après avoir patienté une bonne année, j’ai eu les résultats. J’ai donc bien une maladie génétique qui est l’amorause congénitale de Leber. Il y a plusieurs bonnes nouvelles à ça, en fait.
- Déjà je peux placer un nom sur ce qui m’a rendu malvoyant depuis ma naissance
- Mes parents ne sont pas fautifs : ils ne l’ont pas, il s’agit donc vraisemblablement d’une mutation. Pas de bol.
- Je ne souffre pas des conséquences les plus graves. J’aurais pu perdre la vue au bout d’un an, j’aurais pu la voir se dégrader au fur et à mesure du temps qui passe, mais ce n’est pas le cas. Du bol dans mon pas de bol.
- Il y a des avancées dnas ce domaine. la science et la médecine progressent et il n’est pas exclu que je puisse recouvrer une partie de ma vue un jour.
Comme quoi.
On m’a toujours dit que je ne pourrai jamais voir correctement un jour. Au final c’est faux. Ca sera peut-être possible. Peut-être aussi que ça sera trop dangereux et que je risquerais d’empirer les choses en essayant, mais cette décision je la prendrai quand le moment viendra. Je vous avoue que même si je pouvais mieux voir et changer ma vie, le changement ça fait toujours un peu peur. Les habitudes ont la vie dure et c’est une décision difficile à prendre.
En attendant, j’ai envie de vivre ma vie comme je l’entends, avec le plus de PASSION possible. J’ai envie d’écrire, j’ai envie de coder, j’ai envie de jouer, de mater des trucs, de passer du temps avec ceux que j’aime. J’ai envie de voyager. Alors bien sûr même si je devenais aveugle je pourrais encore faire tout ça mais ça serait nettement plus difficile et je n’en profiterais pas de la même façon. Donc en attendant, je vis ma vie à fond, ou en tous cas, en faisant ce qu’il me plait.
Pourquoi j’ai écrit ce billet
Déjà parce que j’aime écrire.
Parce que pour moi c’est un moyen d’expression important.
Mais aussi parce que j’ai envie que d’autres découvrent un peu comment j’ai vécu mon propre handicap pendant 40 ans, peut-être qu’ils s’en inspireront. Peut-être qu’ils connaissent quelqu’un qui est dans ma situation et que ce billet les aidera à chercher des pistes. Qui sait ? Je l’espère en tous cas.
Je vous remercie de m’avoir lu jusqu’ici. Ce n’est jamais évident de se livrer autant, mais j’avais envie de le faire.
EDIT : J’ai eu quelques questions en privé et du coup je vais étoffer un peu certains sujets. Je rajouterai peut-être d’autres choses au fur et à mesure, à chaque fois en fin d’article pour que vous puissiez vous y retrouver et vous éviter de tout relire, évidemment.
Comment ça se passait à l’école
Déjà il faut revenir dans le temps. Les années 80 et 90 n’ont pas l’ouverture d’esprit sociale qu’il y a aujourd’hui. Des inspecteurs de l’éducation nationale avaient par exemple très très déconseillé à mes parents de me laisser dans des écoles normales. Aujourd’hui ça passerait évidemment mieux. Je me rendais bien compte que de toutes façons j’étais le seul élève handicapé de chacune de mes classes.
En maternelle on s’est vite aperçus que j’étais lent à dessiner et que surtout j’avais pas forcément une vision d’ensemble de ce sur quoi je travaillais, comme j’étais obligé de regarder de près. On y pense pas souvent, mais devoir voir de près ça nous prive d’une vue d’ensemble qui est pourtant primordiale pour beaucoup de tâches.
On m’a donc appris la dactylographie. Déjà tout petit j’adorais tout ce qui faisait de la lumière. J’ai bousillé la chaîne Hi-Fi de mon père (pardon papa) à force de jouer avec. Du coup quand j’ai vu les écrans des micro-ordinateurs de l’époque j’étais un peu très attiré par ça. Mon frère avait acheté un Amstrad CPC 664, un ordinateur 8-bits de l’époque, quand j’avais 4 ans. Je me souviens que j’essayais de recopier les listings de programmes BASIC qui étaient dans le manuel pour voir ce que ça faisait mais je comprenais pas les mots ni les lettres que je reproduisais.
Tout ça a mené mes parents à se dire que me faire apprendre la dactylographie c’était pas une si mauvaise idée. J’ai donc eu des cours dés la maternelle et dés la primaire, on a remplacé mon stylo par une machine à écrire éléctronique. C’était l’ancètre des laptop. Un minuscule écran LCD de même pas une ligne qui permet de taper une ligne entière avant qu’elle ne soit imprimée une fois un appui sur la touche Enter. Des évolutions ont ensuite permis de revenir à la ligne précédente et de l’effacer / la réécrire mais au début on avait pas beaucoup le droit à l’erreur.
Ca et puis le bruit que ça faisant en imprimant ligne par ligne. Je me souviens d’un commentaire de certains élèves au cours de ma vie scolaire qui étaient terrorisés pendant les contrôles et examens de m’entendre taper et surtout d’entendre la machine à écrire imprimer, parfois un peu trop rapidement, parce que tandis qu’ils réfléchissaient à quoi écrire sur leur feuille, moi j’y allais franco. C’était encore pire plus tard quand j’ai eu un ordinateur et une imprimante portables, où une fois que j’avais commencé l’impression, ça voulait dire que j’avais fini mon examen, héhé.
Pour vous donner une idée de la machine à écrire c’était typiquement un de ces modèles :
Au collège j’ai eu un ordinateur portable, enfin. Bon il m’a été retiré parfois quand j’étais soit puni par mes parents pour de mauvaises notes soit parce qu’il a fallu le réparer (une fois j’avais pêté l’écran parce que j’avais un peu forcé dans la valise.) Car oui, je portais la machine à écrire dans un grand cartable, puis plus tard à la place j’avais une valise dans laquelle je mettais mes manuels scolaires et mon imprimante portable.
Une autre fois une prof avait pêté la charnière de l’écran en voulant le tirer vers elle pour voir ce qu eje pouvais bien faire. Heureusement que l’assurance a bien fonctionné.
Autant je ne me souviens plus des prix des machines à écrire à l’époque, autant le PC que j’avais était un Compaq de l’époque, avant que ça soit racheté par HP des années plus tard.
Ca devait couter dans les 24 000 F à l’époque, soit environ 5 000 euros d’aujourd’hui avec l’inflation. A noter qu’il n’y avait aucune carte son encore dans ce genre d’appareils. Et le pire c’est qu’il est encore chez mes parents, et fonctionnel sous Windows 98. Un jour je le ramènerai à Nantes pour la forme.
Concernant le besoin d’une imprimante portable, il faut se rappeler que l’informatisation des écoles a été extrèmenent tardive et je ne pouvias pas remettre mes devoirs à mes profs sur disquette.
Etant handicapé, j’avais également droit systématiquement à un tiers de temps supplémentaire sur tous les examens. Ca ça n’a pas changé aujourd’hui. En vrai j’ai assez rarement mis à profit ce tiers-temps notamment car je compensais par le fait que je n’avais pas besoin de faire de brouillon lors de rédactions. Je pouvais taper tout et réviser mon devoir à l’écran avant de l’imprimer.
Au sujet des livres scolaires, mes parents s’étaient payés un photocopieur-agrandisseur A3, et je me trimballais du coup tous mes manuels sur des feuilles A3 avec reliures. L’école s’arrangeait avec mes parents pour leur faire parvenir la liste des manuels bien avant la rentrée et je me souviens qu’ils passaient un temps fou à photocopier ces manuels pour ensuite les relier.
Au final on a arrêté de faire ça vers le lycée pour plusieurs raisons.
- Déjà c’était profondément encombrant vous vous en doutez.
- Ensuite OK c’était agrandi et plus facile à lire (quoi que) mais d’un autre côté je prenais énormément de place sur les bureaux, dans des classes qui en avaient de moins en moins (de plus en plus d’élèves par classe, ça commençait déjà) mais au final je n’avais pas la vue d’ensemble nécessaire dont je parlais tout à l’heure. j’étais obligé de bouger le livre agrandi pour pouvoir lire chaque page entièrement. Mais c’est un problème récurrent pour moi sur lequel on va revenir dans la section sur les jeux vidéo juste après.
Bref c’était peut-être une fausse bonne idée, mais il faut bien comprendre que mes parents, et les profs, avançaient à l’aveugle (hihi) autant que moi sur ces sujets. Aujourd’hui avec le recul, avec les avancées technologiques c’est plus facile pour tout le monde.
A noter également que concernant le tableau dans la classe, le professeur avait pour consigne de dire à haute voix ce qu’il écrivait. En général un élève sympa était à côté de moi pour m’aider si j’avais loupé un truc dans ce qu’il disait mais ça requierait énormément d’attention de ma part.
Hé oui, je n’ai pas eu une scolarité comme les autres et c’était évidemment compliqué pour tout le monde, y compris moi. Il y avait les cours un peu plus techniques comme le dessin où j’étais plus ou moins dispensé. Les maths avec les graphiques, je n’avait pas de calculatrice scientifique (enfin j’en ai eu mais pas très longtemps). A la place je faisais mes graphiques pour les examens avec Excel en appliquant les formules à des tableaux de nombres. Pas hyper pratique mais ça faisait le taf.
Dernier point, je crois… il y a tellement de choses à dire je vous avoue sur ma scolarité que j’essaye de ne rien oublier mais il y a forcément des éléments qui m’ont échappé avec le temps. Pour l’EPS il faut savoir que les médecins à l’époque pensaient (probablement à raison je vous avoue ne jamais avoir tenté le diable) qu’un gros choc à la tête m’aurait rendu aveugle. Du coup comme tous les gamins à l’époque je voulais faire du judo ou du karaté en sport, on me l’a refusé. J’ai voulu faire de la natation et je me souviens avoir apprécié les cours mais j’étais assez terrorisé car j’étais souvent seul et il y avait plusieurs cours pour différents âges et parfois je ne savais plus qui suivre pour aller à la leçon suivante. Ca m’est arrivé une fois de me retrouver avec des gamins plus jeunes parce que j’avais suivi la mauvaise personne. Il faut dire que la piscine à l’époque ou je ne sais pas qui organisait ces cours de natation ou quoi, n’a jamais voulu me remettre mon diplôme. Mes parents ne m’ont jamais dit pourquoi mais je suppose bien que c’est à cause de mon handicap. Les choses auraient probablement été différentes aujourd’hui.
Mais l’EPS à l’école, j’avais la « chance » d’avoir une prof hyper compréhensive et qui voulait vraiment m’aider. Le souci c’est qu’elle était un peu sévère et avait vu très clair dans mon jeu dés le début. J’essayais d’esquiver un maximum l’EPS et si je ne pouvais pas participer aux jeux avec les autres genre le volley ou le basket, elle me faisait faire du drible avec le ballon de basket dans mon coin, ou courir autour d’un terrain inutilisé pour que je ne puisse pas m’ennuyer et que je fasse quand même du sport. Avec le recul, je lui dois quand même beaucoup même si ces cours de sport étaient une tannée comme pour beaucoup de geeks de mon époque j’imagine 🙂
Et les jeux vidéo ?
C’est vrai ça, je suis un gamer après tout et j’ai travers une grande partie des époques du jeu vidéo.
Vis à vis de mon h andicap je dirais que les choses ont pas mal empiré avec les années, pour diverses raisons.
Au début, les jeux étaient relativement simples. Les contrôles étaient simples, et les écrans petits. Même sur une télé cathodique digne de ce nom à) l’époque c’était plus simple car la résolution n’était pas énorme, et du coup tout était hyper gros. Aujourd’hui il n’y a guère que Nintendo qui se souvient que tout le monde n’a pas 10/10 à chaque oeil et qui pense à écrire suffisament gros (sauf dans Fire Emblem Three Houses grrr.) pour que les gens puissent jouer depuis leur canapé confortablement. C’est vers le milieu des années 2000, avec l’arrivée de la Xbox 360 et de la PS3 qu’on a commencé à avoir de plus en plus de jeux hyper réalistes graphiquement parlant et où du coup j’arrivais bien à me repérer. Si jouer à Doom ou à Wolfenstein 3D ou encore à Half-Life était tout à fait faisable pour moi, jouer à un Call of Duty moderne est impossible tellement il y a de choses à l’écran pour tromper ma vue, que ça soit dans les éclairages ou dans les détails. Par souci de réalisme, on a fait en sorte que les personnages à l’écran ressortent moins. C’est dommage mais c’est ainsi.
Il faut noter que même si ce réalisme à outrance m’empêche de jouer à des FPS, ça vaut aussi pour certains TPS. Mais les choses évoluent dans le bon sens ces dernières années. Sony notamment a fait énormément pour l’industrie je trouve en poussant ses studios à inclure des options d’accessibilité. Que ça soit Spiderman (bon ok je l’ai jamais fait) ou The Last of Us 2 (lui je l’ai fait), j’ai trouvé ça réellement plaisant.
Je veux dire, je peux faire Last Of Us 1 même si certains passages vont me demander du par coeur pour connaître certains ennemis que je ne pouvais normalement pas voir, autant dans le 2, les options d’accessibilité pour malvoyant m’ont sidéré et redonné espoir en l’industrie. Par exemple j’avais activé les indices sonores quand un ennemi commence à vous repérer, en augmentant un peu le temps entre le moment où il a un doute et où il vous repère pour me donner une chance de mieux appréhender les différentes situations. L’autre fonctionnalité que j’ai utilisée a été la navigation assistée via l’appui sur le stick droit. En gros, en appuyant dessus, ça faisait tourner Ellie directement vers l’endroit où elle devait se rendre. Dans des mondes ouverts ou semi-ouverts, savoir où aller est pas évident quand on te dit « Rejoins l’église » par exemple et où on a bien du mal à voir l’église dans tous ces pixels. Combien de fois j’ai erré dans ce genre de jeux ?
Bref ça m’a vraiemnt fait plaisir de voir ça et de pouvoir régler l’interface à ma convenance. Je ne susi néanmoins pas complètement idiot. On DEVRAIT avoir toutes ces options dans tous les jeux, mais les développer prend du temps, de l’argent, et les gens ne sont pas encore sensibilisés totalement. En tant que développeur moi-même c’est quelque chose que je comprends. Est-ce que je devrais être plus exigeant aujourd’hui ? Peut-être.
Sur une note un peu plus générale, pas qu’au niveau du jeu vidéo, mais ça s’y applique aussi, j’ai toujours un peu de mal en voyant des invalides s’indigner que tel endroit ne leur est pas accessible. Moi aussi j’aimerais aller à des concerts mais sans y voir grand chose si y’a pas de place prévue pour moi c’est un peu chiant. Vais-je pour autant m’indigner sur Twitter que tel bar ou salle de concert devrait avoir un endroit rien que pour moi ? Non, bien sûr que non. Je trouve ça contre productif personnellement. On braque les gens qui parfois, souvent même, aimeraient pouvoir vous aider, vous accueillir ou rendre leur jeu plus accessible. C’est assez rare de tomber sur une personne qui s’en fout réellement : les gens font juste ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont. Ca vaut pour des propriétaires de lieux publics comme pour des développeurs de jeu. Parfois on vient me voir pour me demander de faire des tests d’interface d’une app (c’est déjà arrivé, par exemple j’ai participé à un test d’expérience utilisateur pour Salto, l’app de VOD à la française), et quand j’explique comment moi je vois les choses, je me rends compte que bah, ce n’est pas évident pour tout le monde de se mettre à la place des autres, qu’ils soient valides ou non. J’ai vraiment une vision très conciliante de tout ça. Je me dis que si on devient aggressif et qu’on se plaint sans chercher à comprendre les raisons (par exemple, c’est un vieux bâtiment où les travaux seraient compliqués), bah on va droit dnas le mur e ton donne une image de chieurs en puissance, et ça nous dessert, nous invalides. Ca me rappelle cette femme en fauteuil qui se plaignait de ne pas pouvoir monter dnas le bus parce que le pauvre conducteur avait du mal à déployer la rampe pour la faire monter. Le pauvre type faisait de son mieux pourtant, mais ça n’allait pas assez vite pour elle visiblement, ou je ne sais quoi. Et ça c’est pas cool.
Heureusement que ça soit en JV avec les options d’accessibilité, en apps avec des thèmes sombres, ou dans la vraie vie, les choses s’améliorent tous les jours, mais tout ça prend du temps, il faut juste s’y faire. Bon sang, regardez tous les progrès faits en 40 ans dans le domaine de l’accessibilité. Je suis certain que ça va encore s’améliorer, ça prend juste du temps.
Mais revenons au JV !
Même sans ces options d’accessibilité j’ai toujorus tenté de jouer à certains jeux. Alors ouais c’était pas toujours évident et parfois je passais le jeu en facile pour compenser, voir je murais et apprenais de mes erreurs, mais selon le jeu c’était pas toujours évident et j’avoue qu’aujourd’hui j’ai moins de patience à ce niveau qu’il n’y a 10 ans, par exemple.
Ceci dit ça ne m’a jamais empêché de jouer en multijoueurs. Par exemple j’ai fait beaucoup de Counter-Strike dans le début des années 2000. Aussi beaucoup de Unreal Tournament. J’ai joué en LAN party avec des amis et des inconnus. J’étais pas le meilleur soit, loin de là, mais certaines armes de UT par exemple me rendaient relativement efficaces. J’ai tendance à préférer les fusil à pompe car y’a moins besoin de viser juste par exemple. Sur Team Fortress 2 je jouais beaucoup pyro par exemple à cause du lance-flammes. C’est con mais c’est le genre de choses qui m’aide un peu. L’arrivée du online m’a fait réaliser que ce n’était pas du tout évident pour moi de me mesurer à d’autres joueurs à cause de mon handicap, mais jouer avec des amis m’aidait beaucoup là-dessus car ils pouvaient un peu compenser pour moi, et moi j’étais content de jouer ingénieur ou pyro, deux classes me permettant d’aider mon équipe à ma façon. En général, n’importe quel jeu coop où on peut aider son équipe sans viser, ça me plait beaucoup car je me sens utile.
D’ailleurs Overwatch fait aussi un travail admirable en ce sens, déjà grâce à ses options graphiques adaptées mais surtout à son aspect qui fait ressortir les personnages par rapport au décor. D’autres astuces sonores font des miracles pour moi : le fait que les voix et les pas des ennemis soient plus forts que ceux de mes alliés, mine de rien c’est un petit truc uqi aide énormément. La barre de vie qui change de couleur selon si c’est un ennemi ou un allié aussi. Diablo 3 a aussi pas mal d’indices audio pour indiquer qu’on a plus beaucoup de vie ou de mana sans avoir à regarder ses jauges tout le temps. On peut reprocher à Blizzard des tonnes de choses et à raison, surtout en ce moment, mais le boulot de leurs devs sur l’accessibilité des jeux est phénoménal.
Enfin il y a un dernier problème visuel qui s’est ajouté avec le temps et qui malheureusement va pas pouvoir être endigué : l’augmentation de la résolution et la taille des écrans.
Si on a atteint une sorte de norme aujourd’hui en terme de tailles d’écran de PC et de résolution, il faut bien comprendre que pour moi plus l’écran est grand plus c’est compliqué car je dois déplacer ma tête pour voir l’intégralit des choses à l’écran. Du coup là j’ai un 24 pouces et je trouve ça déjà « un peu » grand sans que ça soit trop inconfortable. Un 27 pouces me paraît trop grand, et malheureusement en dessous de 27 pouces impossible de trouver des écrans 2K ou 4K ou alors c’est très compliqué. Toujours est-il que si je peux jouer à un jeu sur un écran de télé 32 pouces, parce que souvent les jeux console ont des interfaces plutôt grosses, pour un PC c’est peine perdue. Déjà que sur un 24 je manipule mes apps par fenêtres, jamais en plein écran, parce que tout simplement ça serait trop chiant d’avoir tout d’éparpillé sur l’écran. Ca rend le choix des écrans très limités, surtout si vous ajoutez à ça une certaine sensibilité à certaines choses comme le flickering ou encore les dalles IPS qui me font mal aux yeux. Tout d’un coup, ça réduit drastiquement les modèles qui me sont disponibles. Par exemple je ne peux pas utiliser le Steam Deck à cause de son écran…
Quant aux résolutions plus élevées, comme je disais plus haut les développeurs ont tendance à juste mettre plus d’infos à l’écran, au lieu de rendre ça plus détaillé ou d’agrandir. Du coup je suis obligé de jouer en 720p dans une fenêtre sur mon bureau en 1080p afin d’avoir moins de terrain à couvrir. Le souci c’est que du coup certains jeux prévus pour du 1080p uniquement peuvent apparaître avec des polices hyper petites voir illisibles (coucou Death Stranding) ou une interface très ressérée (Stellaris, Civilization VI, etc.) Par exemple je suis incapable d’afficher toutes les fenêtres de stellaris en grand, et je dois parfois déplacer une fenêtre pour voir le bouton qui dépasse… Bref, c’est pas toujours très glop et ça peut bien évidemment faire ou défaire un jeu pour moi.
Bref, jouer aujourd’hui c’est moins facile qu’à une époque et je suis du coup super select sur les jeux que je fais. Heureusement aujourd’hui il y a le gamepass pour tester des jeux et encore mieux, les remboursements Steam. En général il me faut pas plus de 30 minutes pour voir si un jeu va vraiment m’aller ou pas.
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