Comment une auberge vagabonde a changé ma façon d’aborder une oeuvre et d’écrire (The Wandering Inn – 7 mois plus tard)

Certains vont penser que je suis un gros forceur avec The Wandering Inn, mais comprenez bien une chose : cette histoire m’a durablement marqué avant même que je m’en aperçoive. Pour moi, The Wandering Inn est au niveau de Mahoromatic, de Love Hina, d’Evangelion, de Haruhi Suzumiya et de Your Name. Si vous avez suivi mes péripéties depuis 20 ans vous saurez que si je vous dis ça, si je fais une place aussi prestigieuse dans mon coeur, ce n’est pas pour rien.

J’ai écrit le premier billet sur The Wandering Inn en octobre 2020. Depuis, j’ai eu le temps de rattraper la parution et de réfléchir.

Maintenant, ce billet n’a pas pour seul but d’encenser The Wandering Inn de nouveau, je le fais suffisament sur les réseaux sociaux et il y aurait fort à dire, mais non, on est pas là pour ça. Enfin pas trop : ce sera une réflexion un peu plus personnelle sur l’oeuvre et ce qu’elle m’a apporté, que ça soit pour l’écriture ou la consommation d’oeuvres culturelles.

Mais avant toute chose, commençons par un flashback… Enfin surtout, commençons par parler un peu d’où je viens, pour que vous compreniez pourquoi ça m’a autant marqué.

Ce billet sera parsemé de citations d’Erin, deal with it.

Erin par Miguel

Mon rapport avec la lecture

« Bon, j’y vais ! Je reviendrai ce soir ou demain ! Envoie de l’aide si tu entends des explosions. »

Erin

Je vais vous l’avouer direct, je ne lis pas assez. Je n’ai jamais eu de grand attrait pour la littérature, fut-elle classique ou moderne. Jeune je lisais beaucoup mais principalement de la presse JV et informatique, des BD, puis des manga. Mais j’adorais écrire ! Puis j’ai découvert avec Internet, en 1999, le merveilleux monde de la fanfiction. Genre je commence Internet et frame 2, bam je tombe sur des fanfictions d’Evangelion, ma série fétiche d’alors. J’en écrivais déjà, sur Eva, et Sailor Moon, mais c’était plus des travaux à plusieurs mains avec des potes. Des fanfictions d’adolescent boutonneux que vous ne lirez jamais de votre vie, avec des self-insert et tout. Ouais quel scandale, je sais. J’en lis beaucoup, alors qu’elle sont pourtant en anglais. Je fais alors un level up de dingue en anglais, remarqué par ma prof de l’époque. J’écris aussi : ma première fanfiction, The Child of Love (le saviez-vous ? Elle a même une page TV Tropes), sera entièrement rédigée en anglais parce que le public était là et pas en France. A vrai dire je connaissais trop peu de francophones et ceux que je connaissais maitrisaient l’anglais.

Du coup j’ai lu beaucoup de fanfictions, puis je me suis un peu arrêté à l’ère industrielle de la fanfiction, quand Fanfiction.Net est arrivé et a uniformisé le format, la distribution, et a imposé ses propres règles de parution. Car qui dit plateforme dit que vous avez un format soudainement imposé, il ne faut pas que les chapitres soient trop longs, et il faut se battre pour apparaître dans les tops ou les recommendations, et les recherches. En plus, sans curation, on se retrouvait très vite en bas voir hors de la première page des « Nouveautés » un jour ou deux plus tard. On est passé de listes faites par des fans de leurs fanfictions préférées que chacun entretenait via leurs sites perso (avant que ça ne devienne des blogs) à un industrialisation de la fanfiction, et donc forcément, ça devenait plus dur de trier le bon grain de l’ivraie.

Mais je m’égare un peu. Il faut retenir ceci : j’ai plus ou moins arrêté de lire des fanfictions à ce moment. J’ai lu ensuite, sporadiquement, quelques autres oeuvres : des light novel japonais (Haruhi, Zero no Tsukaima, Log Horizon, Sword Art Online et quelques autres…) et parfois un ou deux romans à l’époque où Apple filait gratos des bouquins sur sa plateforme d’achats d’ebook. J’ai aussi commencé quelques grands classique de littérature moderne comme Le Seigneur des Anneaux ou le Guide du Routard Galactique. Si j’ai fini et beaucoup apprécié ce dernier, le premier ne m’a absolument pas emballé et j’ai refermé le livre en début de parcours, trouvant les descriptions partout fastidieuses. C’est un style qui ne m’a pas plu, et vous l’aurez probablement déjà repéré si vous avez lu Blind Spot, une histoire que j’ai écrite entre 2006 et 2013 sur mon temps libre : j’aime aller relativement droit au but et laisser une grande place au dialogue. Les light novel japonais font ça très bien aussi.

Dans un sens, Blind Spot était un peu un précurseur du Web Novel, c’était un truc qui n’existait pas du tout à l’époque. Blind Spot avait son propre site web où je publiais les chapitres et mes réflexions au fur et à mesure.

Mais voilà, toujours est-il que je ne suis pas un très grand lecteur. Pas que les histoires m’ennuient, mais j’ai un mal fou à me plonger dans la plupart des livres que j’ai essayés, et je pense que, comme au tout début quand « j’arrive » dans un univers, j’ai juste besoin d’un guide. Le problème en littérature, c’est qu’on a tellement de choix, de styles à la fois sur la forme et sur le fond, différents, qu’il est impossible de savoir par où commencer sans avoir peur de perdre son temps sur quelque chose qu’on ne va pas aimer. J’ai ce problème depuis quelques années avec les anime : je n’arrive pas à me dire que je devrais commencer cette série parce qu’elle m’a l’air bien, car j’ai été trop déçu d’avoir commencé des épisodes voir plusieurs épisodes avant de trouver la série meh et de la finir plus parce que je n’aime pas abandonner que parce que j’appréciais vraiment ce que je regardais. Du coup je me fie plutôt à l’avis de mes amis. Amo par exemple est de très bon conseil, et si j’ai pas autant aimé Symphogear que lui, voire même pas vraiment, j’ai su reconnaître les qualités de la série et j’ai compris pourquoi ça pouvait plaire, ce qui au final m’a fait me dire que je n’avais pas perdu mon temps tant que ça. Après tout j’ai maté toutes les saisons !

Tout ça pour dire : je devrais sans doute un peu plus lire.

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Erin, Lyonette, Mrsha, et d’autres par Bobo Plushie

La prise de conscience

Les conséquences, c’est moi !

Erin

J’ai pris conscience de ça en écrivant Eternity. Autant Blind Spot était une série tranche de vie avec un fil rouge très simple et sans grandes intrigues, autant avec Eternity je voulais sortir de cette zone de confort et essayer quelque chose d’un peu plus travaillé scénaristiquement. En toute franchise j’ai pas mal échoué. J’ai échoué à faire du foreshadowing, j’ai échoué à donner à mes personnages des défauts, j’ai échoué en m’attardant sur des détails, j’ai échoué sur plein de plans. Eternity n’est pas terminé mais j’ai prévu de le terminer un jour ne serait-ce que pour que le travail que Sedeto a effectué dessus avec ses superbes illustrations ne soit pas en vain. Le problème c’est que quand un éditeur est venu, intéressé par Eternity, et a proposé des changements pour étoffer l’histoire, j’ai refusé car je n’y voyais aucun intêret et surtout j’avais l’impression, après autant de changements, que l’histoire ne m’appartenais plus, et au final je n’en aurais pas été content. C’est triste à dire mais au jour d’aujourd’hui je ne sais toujours pas si j’ai pris la bonne décision.

Toujours est-il que Eternity m’a mis devant mes propres faiblesses en écriture, sans doute causées par mon manque de lectures et d’ambition. Je me considère bon pour faire passer des émotions. Ecrire des scènes qui filent de l’espoir, de la tristesse, de la gloire, je sais faire. La haine un peu moins, mais voilà. Dans Blind Spot je me contentais de faire passer ces émotions, ce WAFF (Warm and Fuzzy Feeling, un sentiment doux et chaud) comme on disait dnas le jargon de la fanfiction au début des années 2000, mais ça ne fait pas une histoire tout ça : Eternity nécessitait quelques recherches que je n’ai fait que très superficiellement. Sans compter que mon rythme lent ET le temps que je prenais à éditer le chapitre avant de le sortir avec Mop et QCTX (cela nous prenait du temps de se trouver un moment pour faire de l’édition tous ensemble) a fait qu’au final je ne me concentrais pas autant sur l’écriture. Avoir plusieurs casquettes simultanément n’est jamais très bon, on finit par faire les choses à moitié.

Et puis un jour arriva The Wandering Inn.

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Erin qui joue aux echecs par Miguel

Ramasse ta machoire Axel

Bizarre, c’est même pas de ma faute cette fois.

Erin

AliceSutaren, une grande amie, m’a un jour recommandé de lire The Wandering Inn, parce que ça pourrait me plaire. Elle avait plein d’éloges à faire sur les personnages, l’intrigue, mais moi j’étais un peu en mode « mmmmh, un jour. » L’idée de lire une histoire sur un site web ne me plaisait guère, mais c’est que la bougresse avait des arguments sympa. « C’est du slice of life. Elle ouvre une auberge et il va se passer plein de trucs. » J’aurais pourtant du tiquer quand elle m’a dit que c’était Sébastien Ruchet (l’ex-PDG de la chaîne TV Nolife pour ceux qui ne le connaîtraient pas déjà) qui lui avait recommandé cette histoire. Car Sébastien a du flair, et maintenant je saurai m’en méfier afin d’éviter qu’une autre oeuvre recommandée par lui n’absorbe mon âme.

Plus sérieusement, mon premier contact avec The Wandering Inn a été assez tiède. Loin d’être mauvais, mais pas transcendant. Déjà c’est plus ou moins un isekai, genre dont je soupais déjà : Erin Solstice est catapultée dans un monde inconnu. Elle est même pas morte dans la vraie vie ou quoi, hein, juste téléportée en voulant aller aux toilettes. J’ai trouvé le début assez poussif et pour moi quelques chapitres au début pourraient sauter car ils servent principalement à montrer qu’Erin en chie grave au début et tente de survivre dans l’auberge abandonnée qu’elle a trouvé. C’est pas mon genre de lecture, mais heureusement peu de temps après qu’elle commence à survivre, elle fait la rencontre de gens, et pas des humains, mais deux autres espèces, ce qui a titillé ma curiosité un peu plus. La plupart des mondes d’isekai japonais que je connais n’ont qu’une seule espèce, ou quand ça arrive l’humain est même dominant, or là ce n’est pas le cas. Erin est d’ailleurs la seule humaine dans la ville de Liscor près de laquelle elle a attéri.

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Carte (work in progress) d’Izril, le continent où est Erin. Notez Liscor qui est une toute petite ville au sud d’Invrisil. C’est JUSTE un continent dans le monde de InnWorld. Par SectionXIII

A vrai dire j’ai toujours été un peu attiré par les side stories dans les univers de fiction. On suit souvent un héros, ou un personnage qui va changer la donne dans le monde, qui va vaincre le mal ou embarquer dans une quête incroyable. The Wandering Inn n’avait pas du tout cette prétention : Erin est une jeune femme tout à fait normale qui arrive dans un monde inconnu et hostile ou tout essaye de la tuer. Elle ouvre une auberge, devient [Aubergiste] et va progresser dans cette classe tout au long de l’histoire. Si elle n’a pas d’impact sur le monde comme l’aurait un héros, elle en aura sur les gens qui l’entourent et ceux et celles qui s’arrêtent à son auberge. Je reprends le texte d’ouverture de l’histoire qu’on trouve sur le site web :

Une auberge est un endroit où l’on se repose, un endroit où l’on parle et partage des histoires, un endroit où l’on trouve des aventures, un point de départ de quêtes et de légendes.

Et j’ai très vite compris que l’histoire allait se bâtir sur ce point de départ. Un peu comme, à l’époque, j’avais beaucoup aimé le jeu Recettear où on jouait la tenancière d’un magasin d’objets pour aventuriers dans un JRPG. Pour moi ce genre d’histoires a souvent bien plus de potentiel qu’une odyssée ou une quête.

L’autre point qui m’a tout de suite charmé, c’est que Erin n’est pas une héroine. Ce n’est même pas un personnage fort. C’est une jeune femme fan de jeu d’echecs qui va devoir tenir une auberge pour survivre. Elle n’est même pas douée pour le combat malgré quelques compétences qu’elle va gagner mais qui lui serviront principalement à se défendre. Car des assauts sur son auberge, il y en aura. Cette double page, une commission commandée par MelasD, illustre parfaitement l’une des situations dans lesquelles Erin se trouve au début. Son auberge est assiégée par des monstres et des amis à elle la défendent. Son analogie avec els echecs est poignante :

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« Le roi est intelligent et utilise sa tête, car s’il bouge, il sera bientôt mort. Mais c’était tout. Quelqu’un mourrait. Même si le roi ne mourrait pas. Le roi était un idiot égoïste qui laissait les autres souffrir à sa place. »
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« Je ne suis pas un roi. Je suis une reine. Et ceci est mon auberge. » Commissionné par MelasD

Mais ce n’est que vers la moitié du volume 1, quand Erin essaye de faire son deuil d’un personnage mort par sa faute, que j’ai compris que j’allais aimer cette histoire. J’ai pleuré durant ce passage incroyable. Erin vient de notre monde, et j’ai trouvé la façon dont elle était écrite inédite, pour moi. Elle avait des réactions parfaitement normales de quelqu’un qui tue une créature intelligente pour se défendre, ou bien qui voit quelqu’un qu’elle connaît mourir sous ses yeux. Certains reprocheront à Erin d’être une idiote qui persiste et signe : après avoir été attaquée à de multiples reprises par des monstres, elle insiste néanmoins pour rester dans son auberge, hors des murs de la cité de Liscor pourtant si proche. Là où les gens y voient un personnage tétu qui n’apprend rien, j’y vois un trait humain pourtant. Qui change d’avis du jour au lendemain dans la vraie vie ? Le processus de changement pour Erin, comme pour d’autres personnages de The Wandering Inn, sera long et parfois douloureux.

Si cet évènement à mi-chemin du volume 1 m’avait convaincu que je tenais entre mes mains quelque chose de grand, j’étais loin, très loin de me douter que la fin du dit volume, avec tout un passage absolument épique, allait finir de m’achever.

Et par m’achever, j’entends, me faire prendre encore plus conscience que j’avais trouvé quelqu’un à admirer. L’auteur(e), pirateaba.

J’ai même ressenti de l’effroi, un véritable effroi, quelque chose d’horrifique sur la fin de ce volume, et je n’avais jamais imaginé que des mots pourraient me faire frissonner ainsi !

Je n’ai pas immédiatement commencé à douter de mes propres capacités, c’est arrivé après. Je n’ai même pas ressenti de la jalousie ou si peu, car in fine, The Wandering Inn est une histoire que j’aurais aimé écrire, avec un personnage principal auquel je me suis grandement attaché. Je m’y suis attaché parce qu’Erin et moi avons quelque chose en commun : on aime profondément nos amis. Erin essaye, comme moi, de faire de son auberge un havre de paix et un lieu où tous ses amis peuvent se retrouver, où elle peut les acceuillir, leur donner à manger, à boire, les laisser se reposer… Un foyer, en quelque sorte. C’est quelque chose que j’ai moi-même cherché à faire du temps de la Brigade SOS Francophone ou même du Discord de la Nanami ou le serveur communautaire Shelter. Utiliser mes ressources pour faire plaisir aux amis, pour leur donner quelque chose, ça me parle, ça parle à mon âme.

Pirateaba m’a touché en plein coeur avec Erin et ses amis, et ça je ne l’oublierai jamais.

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Erin, toujours impitoyable aux echecs, par arh

Une histoire ou une anthologie ?

C’est juste faux. Tout ça est arrivé, mais ce n’était pas ma faute. Je n’ai jamais été une quelqu’un d’héroique ou de super courageux qui pouvait résoudre des trucs. Je n’ai jamais battu ces monstres ou sauvé quelqu’un seule. Tout ce que j’ai fait seule c’est tuer des gens. Mais j’ai des amis géniaux. Des héros sont restés à mon auberge. Et je leur ai servi des gaufres.

Erin

Pourtant The Wandering Inn n’est pas une oeuvre si facile que ça à appréhender. Je ne me suis rendu compte de sa taille gargantuesque qu’une fois la parution rattrapée. Cela m’a pris 7 mois environ. J’avais commencé en septembre 2020, j’avais rattrapé tout en mars 2021. Et le pire dans tout ça, c’est que je ne me suis même pas aperçu que j’avais avalé, en ces 6 mois, près. De. 7. Millions. De. Mots.

  1. Millions.

Je ne sais pas si vous vous rendez compte mais mes chapitres d’Eternity ou de Blind Spot faisaient 10 000 mots en moyenne. Sur l’avant dernier volume paru, le volume 7, pirateaba a écrit des chapitres de 20 000 à 30 000 mots… deux fois par semaine. Au total, le volume 7 représente 2 millions de mots à lui tout seul. Le volume 8, celui en cours quand j’écris ces lignes, est à priori à la moitié environ avec 1 million de mots. Le volume 7 à lui tout seul c’est 4 fois le seigneur des anneaux et 2 fois tout Harry Potter. Vous voulez d’autres comparaisons ?

  • Les 41 livres de Discworld c’est 5,6 millions de mots environ
  • Wheel of Time c’est 4,4 millions.

Je suis tombé de ma chaise quand je me suis rendu compte des kilomètres de mots que j’ai bouffé. Merde, le tome 1 qui m’avait paru si court, fait quelque chose comme 340 000 mots environ !

Rappel, le 8 est toujours en cours. Il a atteint 950 000 mots au chapitre 8.29

Comment c’est possible ?

Bah c’est simple, ça m’a accroché tellement fort que je n’ai pas vu le temps ni les mots passer. Et tout se contredit dans ma tête : Je n’aime ni les folles descriptions génératrices de mots, ni les shonen super longs. Pourtant, The Wandering Inn ne contient rien de tout ça malgré son nombre de mots. La faute revient plutôt aux très nombreuses intrigues qui entourent déjà l’auberge d’Erin mais également le monde dans lequel elle est. Je mentionne beaucoup Erin ici mais il y a une myriade d’autres personnages qui n’ont aucun lien ou si peu avec elle. Il n’est pas rare de suivre pendant quelques chapitres des personnages ailleurs, sur un autre continent par exemple, où se passent des choses totalement différentes, loin des préoccupations d’Erin. Il y a également, malgré ce côté tranche de vie, de vraies drames et tragédies qui se déroulent. Des exemples ?

  • Laken, Un homme aveugle de notre monde qui attéri dans un petit village au nord d’Izril.
  • Ryoka, coursière aux tendances auto-destructrices (elle est insupportable au début mais s’améliore par la suite)
  • Les Horns of Hammerad, une équipe d’aventuriers.
  • Le Roi de la Destruction sur Chandrar, un continent désertique.
  • Geneva, une étudiante en médecine qui se retrouve projetée sur Baleros, un continent de jungles ravagé par les guerres entre compagnies de mercenaires.
  • Rags, une gobeline qu’Erin a acceptée dans son auberge, et les gobelins en général.
  • Un groupe de jeunes gens de notre monde qui est arrivé sur Rhir, un continent en guerre permanente contre des « démons ».
  • La ville de Liscor près de laquelle Erin a attéri a aussi droit à ses propres chapitres.
  • Et encore d’autres plus mineurs que je ne vais pas mentionner ici pour pas trop spoiler non plus certains personnages.

J’avais vu le coup venir pourtant, je voyais le nombre de chapitres restant via la table des matières, mais leur taille n’est pas indiquée… Pourtant, c’est passé crème, parce que quand j’ai vu tous ces chapitres je ne me suis pas dit « oh mon dieu ça va être insurmontable je m’arrête maintenant » je me suis plutôt dit, « Cool, j’ai tellement de choses encore à découvrir ! ». Pour moi, autant de contenu, même si je n’avais pas encore la mesure de leur ampleur, me motivait à me plonger dedans justement parce que j’avais la certitude que je n’allais pas rester sur ma faim. C’est le genre de sentiment qui m’a poussé vers des univers comme Star Trek ou La Légende des Héros de la Galaxie ces dernières années. Des séries qui m’ont pris des mois à rattraper, mais vous savez quoi ? Découvrir un univers n’est pas une course. C’est un marathon. Il faut y aller à son rythme.

Quant au contenu en lui-même, en y repensant, j’ai trouvé bluffant comment pirateaba arrive non seulement à passer de tranche de vie à moments épiques et dynamiques de façon parfaitement organique, mais également à rendre cette tranche de vie intéressante et utile pour la suite, rendant ainsi ces moments passionnants, et faisant encore davantage avaler du texte au lecteur.

Je suis assez fan de la tranche de vie, qu’elle soit ici celle d’Erin ou d’autres personnages du Innworld (c’est officiellement le nom utilisée par pirate) ou même en général, mais il y a quelque chose dans The Wandering Inn qui la rend encore plus passionnante : c’est qu’elle apporte quelque chose et qu’elle sert plus tard dans l’histoire. Elle introduit des éléments importants qui seront réutilisés après.

C’est à vrai dire un reproche que m’avait fait l’éditeur à qui j’ai fait lire Eternity : il se passe 4 chapitres entiers avec de la tranche de vie où on suit l’évolution de Nanami, androïde dans le monde des humains avant que quelque chose ne bascule dans le chapitre 5. Mon argument à l’époque avait été que ces petits moments de vie contribuent à l’attachement du lecteur avec les personnages qu’il découvre, et permet également d’introduire certains autres éléments pour les réutiliser plus tard. C’est manié avec brio dans The Wandering Inn quand, par exemple, Erin « importe » l’idée des burgers dans ce monde de fantasy afin d’attirer une nouvelle clientèle à son auberge. Son idée se fera piquer le jour même et reproduite par d’autres aubergistes et restaurateurs, la laissant desespérée. La confection et la vente de ces burgers, sa difficulté à faire de la mayonnaise ou du ketchup dans ce monde, tout ça on pourrait se dire que ça n’a aucune espèce d’intêret dans l’intrigue, dans le grand ordre des choses, et pourtant ! Cela va orienter Erin vers d’autres idées pour rendre son auberge unique, ce qui va déclencher d’autres évènements rompant l’équilibre de certaines choses, ou lui faire gagner des skills qui vont lui être utiles pour arriver à ses fins. Dans The Wandering Inn, c’est un peu la théorie du chaos tous les jours. Quelqu’un fait une action qui semble anodine mais qui va avoir d’énormes répercussions par la suite. Parfois certaines choses vous reviennent dans la gueule 6 ou 7 volumes plus tard, des millions de mots plus tard, des années plus tard.

Et ça je suis complètement infoutu de le faire moi-même, parfois d’un chapitre à l’autre de mes histoires.

Certains y verront un handicap. Pourquoi je m’investirais dans un bouquin aussi énorme au risque d’être déçu à mi-parcours ou même plus tard et d’avoir l’impression de perdre mon temps ? La question est légitime. Personne n’aime être déçu. J’ai été déçu maintes et maintes fois avec des animés ou des mangas qui ont fait un plongeon direct après un certain point, qui a changé radicalement ma perception de l’oeuvre. Je prends en exemple Lost Song, sur Netflix, que de toute évidence je ne vous recommande pas. Mais là ça va, c’était un animé de 12 épisodes. Comment justifier ça sur une histoire aussi longue ?

A vrai dire, les premiers chapitres, voire le premier volume tout entier, n’est pas le plus intéressant, et on sent clairement que pirateaba s’améliore au fil du temps (heureusement !) mais améliore aussi son récit dans le bon sens. Il y a bien sûr quelques incohérences à certains moments, que l’auteur(e) répare ensuite plutôt bien (il y a notamment un vrai problème avec les distances, les tailles… On a l’impression que les personnages sont côte à côte ou qu’ils sont à distance de paroel alors qu’ils sont séparés par une colline.) Si le début est difficile, le reste s’améliore grandement,et je sais pas vous mais moi je préfère une hsitoire qui s’améliore avec le temps plutôt qu’une qui se pête la gueule passé un certain stade. Car là, la déception elle est bien réelle. Et elle fait atrocement mal.

Après, j’ai un regard assez neutre vis à vis de ce genre de soucis dans un récit. Si par exemple le début ou le milieu d’une histoire m’ont beaucoup plu mais que la fin m’a déçu, je garde quand même un bon souvenir car je n’oublie pas ce que l’histoire m’a fait vivre. J’ai d’ailleurs souvent remarqué que les auteurs japonais ont un mal fou à conclure leurs histoires convenablement, que ça soit en animé ou en manga, mais c’est dû au format même du média. J’en ai déjà parlé dans mon article sur la blasitude dans l’animation japonaise je crois… Tout cela nous amène à un autre point intéressant autour des web novel, ou plutôt web serial, et pas que The Wandering Inn.

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Ilvriss Gemscale, par AuspiciousOctopi

Un Web Novel ? Web Serial ?

Je veux protéger les gens autour de moi. J’ai des amis. Je ne veux pas qu’ils meurent. Je veux les aider, et un jour pouvoir rentrer chez moi. C’est tout.

Erin

Pour clarifier, un web novel est une histoire publiée sur Internet. Il y a de nombreuses oeuvres publiées ainsi. Quelle différence avec un web serial alors ? Un serial est, comme son nom anglais l’indique, une série. Un feuilleton si vous préférez. The Wandering Inn, mais aussi d’autres oeuvres de littérature sur le net, comme WORM, s’inscrivent dans cette optique. The Wandering Inn n’a rien inventé en vrai : le créneau de la fiction sur le web, en one-shot ou en série, fait suite à la mise à disposition d’outils de plus en plus nombreux et faciles à utiliser pour que les auteurs publient. Le site de The Wandering Inn par exemple, n’est ni plus ni moins qu’un blog WordPress hébergé chez… WordPress, qui fournit des solutions d’hébergement en plus de leur gestionnaire de contenu hyper connu.

Dans une interview, pirateaba explique avoir commencé The Wandering Inn après avoir essuyé plusieurs refus auprès d’éditeurs sur une précédente histoire. Dans le monde de l’édition de livres, il y a beaucoup de demandes d’édition mais peu d’élus. Les éditeurs, on les comprend, rechignent à publier n’importe quoi tant qu’ils ne seront pas certains d’avoir un retour sur investissement. Que faire si les 5 000 exemplaires imprimés ne s’écoulent pas ? Il faut penser au marketing, à payer des correcteurs, à lire et relire le livre pour éviter tout problème à l’impression… En tant qu’auteur je comprends parfaitement qu’éditer c’est prendre un risque permanent.

Ce qui nous amène à l’auto-édition. Outre le web, les outils d’Amazon permettent à des auteurs, avec peu de connaissances techniques, de s’auto-éditer, de se faire imprimer et envoyé aux lecteurs par Amazon, que ça soit via leur plateforme Kindle ou bien en papier. Cela reste néanmoins pas à la porté de tout le monde. J’y avais pensé par exemple pour Eternity mais ayant un taff à côté, et n’ayant pas les compétences d’édition nécessaires (relire le texte, le corriger, le mettre en forme convenablement, etc.) j’en ai conclu que je n’avais pas la possibilité de tout faire moi-même. Si je n’avais aucun autre travail, aucune autre occupation, ma décision aurait été toute autre, mais éditer son propre livre, quand onv eut le faire bien, ce n’est pas évident.

Pirateaba a donc choisi l’auto-édition, sur le net, d’une web-série. The Wandering Inn a été pensé ainsi, et même si il existe une version ebook, l’histoire serait difficilement adaptable en livre. Rien que le volume 1 ferait plus de 1 000 pages avec environ un standard de 250 mots par page. Une web-série implique du coup qu’on est pas limité par la taille et ainsi par le « scope » de la série. Ce que je veux dire c’est que si l’auteur(e) veut écrire sur tel ou tel personnage ou intrigue plutôt qu’une autre, c’est tout à fait possible. Il n’y a pas de pression éditique derrière si ce n’est celle des lecteurs (les chiffres ne sont d’ailleurs pas connus, mais il y a tout de même 4500 inscrits sur son patreon, avec minimum $1. Il faut $5 pour accès à un chapitre d’avance, et il y a des paliers jusqu’à $50 pour ceux qui veulent vraiment filer beaucoup de thunes.)

En tous cas le lectorat de Pirate a l’air plutôt bienveillant, en tous cas parmi ceux qui participent sur le Discord. J’y ai été plutôt bien acceuilli, et finalement, si les lecteurs sont contents et l’auteur gagne suffisament d’argent c’est plutôt pas mal non ? J’estime qu’avec 4 500 patrons qui filent à minima $1 c’est que, quelque part, on a réussi quelque chose, et c’est super cool.

Publier deux chapitres par semaine en s’accordant des pauses d’une à deux semaines selon les moments, c’est quand même impressionnant, surtout quand on voit tout le travail à côté : le Discord, gérer la publication sur le site, les corrections des typo pour la sortie en ebook, puis l’audiobook…

Erin poursuivant Mrsha sur le toi après que celle-ci ait encore fait une bétise. Par LeChatDémon

Un audiobook ?

Alors ne le fais pas. Peut-être que tu n’obtiendras rien peu importe ce que tu donnes à l’autre. Peut-être que vous ne serez jamais amis. Ça marche comme ça. Mais pour se faire un ami, tu dois essayer. Juste essayer.

Erin

Tiens d’ailleurs petite parenthèse, parlons-en. The Wandering Inn est dispo en audio book en anglais, et le premier dure près de 43 heures. Je l’ai écouté et je continue sur ma lancée sur le 2 et le 3. Il faut dire que ça permet de faire une relecture de la série sous un nouveau jour, notamment avec les voix des personnages. La narratrice, Andreas Parsneau fait un travail formidable pour essayer de faire les voix masculines comme féminines et déploie des trésors d’ingéniosité pour que chaque personnage soit reconnaissable. Pas évident étant donné le nombre de personnages dans l’histoire. Au final c’est assez agréable à écouter pendant qu’on bosse ou jou à un jeu quelconque qui ne demande pas de suivre une histoire. Genre un p’tit Civilization ou un Slay the Spire et hop.

Ça m’a fait découvrir le monde des audiobooks dans lequel j’avais jamais osé me plonger ca rl’idée d’écouter un livre sans pouvoir lire à mon rythme ça me faisait un peu chier. Après, soyons un peu pessimistes, si je perds la vue un jour ça sera également mon seul moyen de continuer à lire !

Ryoka et Erin. Par pkay

Le genre de LitRPG

Oh ne t’inquiête pas, je vais emmener une poele à frire et un couteau.

Erin

Revenons à d’autres choses que j’ai « découvertes ». Je dis ça entre guillemets parce qu’en fait, le genre LitRPG pour Littérature RPG existe depuis un bail et on l’a découvert en japanime bien avant grâce à Sword Art Online ou Log Horizon. Souvent lié à l’isekai, c’est le fait de mentionner des mécaniques de jeu de rôle ou de plateau dans le récit. Dans Sword Art Online on sait que les ennemis comme les joueurs ont des stats, des niveaux, il en va de même dans Log Horizon et d’autres oeuvres du même genre.

Dans The Wandering Inn, le même genre de système est repris, sans qu’on entre dans les détails des statistiques très précises. Pas de points de vie ou de mana, on sait juste que les gens ont une classe, un niveau, et des compétences ou des sorts. Contrairement à une série comme So I’m a Spider So What? où on nous fait un dump incessant d’informations complètement indigeste (ou dans une certaine mesure, Moi quand je me réincarne en slime), The Wandering Inn fait, comme Sword Art Online, une utilisation à la fois mesurée et imposante du système de classes et de compétences.

  • Mesurée parce qu’en général l’histoire distille l’apparition de nouveaux niveaux et compétences pour les personnages, que ça soit Erin ou d’autres grâce à une petite astuce : les niveaux sont gagnés le soir avant de s’endormir ou en perdant conscience. Certains essayeront parfois de duper le système en se faisant mettre K.O. pour gagner un nouveau niveau et des compétences avant de se faire réveiller et revenir à la charge. En outre, les compétences sont souvent testées par les personnages avant une utilisation en pratique, car beaucoup de ces compétences sont totalement inconnus des personnages. Il n’y a pas de glossaire des compétences et ça permet à l’auteur de jouer un peu avec les noms de certaines compétences ou certains sorts. Cela lui procure beaucoup de flexibilité dans l’écriture et la résolution de certaines situations. J’ai personellement été emerveillé par le nombre de fois où une compétence est sortie du chapeau pour retourner une situation. C’est un défaut de l’histoire comme un autre mais un défaut que personnellement je peux tolérer.
  • Imposante parce que les compétences et les sorts ont un rôle clé à de nombreuses reprises, et au fur et à mesure qu’on lit l’histoire on ne peut s’empêcher de se demander comment les gens feraient si les compétences et sorts disparaissaient du jour au lendemain. Ils ont une place tellement importante dans The Wandering Inn que certains personnages, flairant le mauvais plan, refusent tout simplement d’accepter les montées de niveau. Je trouve ça vraiment intéressant que le système de classes soit remis en question à plusieurs reprises, même si c’est le cas dans beaucoup d’oeuvres de ce genre.

Octavia, une alchimiste stitch-person (un peuple crée à partir de tissu) par AuspiciousOctopi

La jalousie, l’admiration, puis le choc.

J’ai foi en les gens. Je crois que les Gobelins sont plus que des monstres. Car ils agissent comme des personnes. Ils peuvent agir comme des monstres, mais… les gens disent ça des Selphids aussi non ? Pour une Humaine commme moi, un Drake peut être un monstre. Ou un Gnoll. Mais ils ont des sentiments. Comme les Gobelins. Ils ne peuvent peut-être pas parler, mais ils peuvent pleurer. Et s’ils peuvent pleurer, ce sont des personnes.

Erin

Je vous ai parlé de plusieurs sentiments qui me sont passés par la tête tout au long de ces six mois de lecture. Si je suis passé très brièvement sur la jalousie du début puis me suis attardé sur l’admiration que j’ai (toujours) pour pirateaba, que ça soit sur la forme (régularité, nombre de mots…) ou le fond (l’histoire, les personnages…) il y a quelque chose que je n’ai pas encore abordé, un truc qui m’a fait avoir un spleen inattendu.

Il y a un certain évènement, que j’appellerai pudiquement le passage du frigo dans l’un des derniers volumes. Cet évènement m’a choqué, m’a retourné, m’a secoué, m’a fait prendre conscience de mes propres faiblesses encore plus.

C’est quand j’ai été secoué de la sorte que j’ai ressenti une énorme tristesse. Pas par ce qu’il venait de se passer dans l’histoire (enfin si quand même), mais parce qu’en tant qu’auteur je n’arriverais jamais à un tel niveau de qualité dans le passage d’émotions au lecteur, qui est pourtant l’une des qualités que je pensais avoir. Comment une histoire peut-elle te faire passer par autant d’émotions à la fois, sans visuels ou sans le son ? Je suis passé dans The Wandering Inn du rire aux larmes à de nombreuses reprises, par la trépidation, la peur, la joie, l’incrédulité… je n’ai même pas assez de mots pour décrire ça, et c’est bien la première fois qu’une série me fait ressentir autant de choses différentes, parfois simultanément même ! Je veux dire, Evangelion j’ai adoré parce que c’était nouveau à l’époque, parce qu’il y avait des personnages profonds et des enjeux qu’on avait jamais vu avant en animation. J’ai aimé Mahoromatic parce que ça m’a beaucoup touché, que le sujet de l’acceptation d’une mort programmée m’a fait tréssaillir. J’ai adoré Love Hina parce qu’à l’époque ça m’a apporté de la fraîcheur alors que je vivais une déception amoureuse. J’ai adoré Haruhi Suzumiya parce que c’était frais aussi, plein de vie, délirant et pourtant sérieux, avec énormément de niveaux de lecture, et parce qu’il poussait les gens à faire des choses ensemble. Plus qu’une oeuvre, Haruhi était surtout un phénomène que j’associerai à jamais avec des amitiés fortes. Your Name ? Une relation amoureuse qui a fait battre mon coeur comme jamais, qui m’a fait pleurer au cinéma et parce que c’était un film malin malgré ses quelques incohérences quand on creusait un peu.

The Wandering Inn ? C’est tout ça, multiplié par dix. Pourtant il n’y a pas de robots géants, pas de questionnements philisophiques, pas de romance (certains ont essayé avec Erin, ils ont eu des problèmes), pas de mort programmée, pas de relation impossible, pas de délire poussé par un personnage seul (quoi que il y a un tout petit côté Haruhi dans Erin quand même des fois…) et pourtant ! Bordel, et pourtant ! Quand j’ai atteint ce fameux passage, j’ai reculé dans mon fauteuil à roulettes et j’ai fondu en larmes. C’était autant de la tristesse que le choc de quelqu’un qui s’aperçoit qu’il ne pourra jamais gagner une partie, qu’elle était en fait jouée depuis longtemps. Je n’ai jamais ressenti de compétition vis à vis de The Wandering Inn, je sais quand je ne joue pas dnas la même cour que quelqu’un, mais en tant qu’auteur je me suis senti brisé par ce que j’ai lu. Parce que j’avais trouvé, en ce chapitre la confirmation de mon faible niveau en tant qu’auteur. Et vous savez quoi ?

J’ai aimé ça. J’ai adoré ça !

C’étaient de bonnes larmes. A cet instant j’avais juste envie de faire un câlin à quelqu’un et d’évacuer. C’étaient de bonnes larmes même si j’étais triste et choqué, parce que avant d’être tous ces sentiments négatifs, c’était avant tout ce sentiment de beauté impossible à appréhender qui m’envahissait. Vous voyez ces personnages qui tombent à genoux et pleurent en voyant quelque chose d’incroyablement beau ? Bah c’était moi.

Est-ce que j’ai trop d’empathie ? Peut-être.

Pour vous donner une idée, je m’étais dit un jour que j’enverrais un mail à pirateaba pour lui dire tout ce que je pense de son récit. Et j’y arrive pas. Je suis bloqué. Je suis intimidé. Ca ne m’était jamais arrivé. J’en ai rencontré pourtant des gens importants dnas ma vie, des artistes que je respecte énormément, que ça soit Noizi Ito, Yoshitoshi Abe, ou Ditama Bow. Je les ai vu en personne, je leur ai parlé, mais là ? Là, chaque fois que je em dis « allez je vais le faire » je n’y arrive pas. Je suis devant une page blanche.

Suite à ça je suis resté en spleen pendant quelques jours, avant de reprendre ma lecture. C’est depuis ce moment que je me suis rendu compte que The Wandering Inn m’a probablement pourri gâté à mort pour d’autres séries. Je suis devenu incroyablement critique des productions japonaises (ou non) qui me semblaient d’un coup extrèmement fades alors que pourtant je continauis à passer de bons moments sur certaines séries. Mais à chaque fois je me disais « Merde, ça vaut pas ce que j’ai ressenti en lisant ce chapitre. » avec une certaine nostalgie.

La Corusdeer, une espèce de biche avec des cornes TRES CHAUDES. Par AuspiciousOctopi

Et après ?

Okay. Tu as officiellement crée le truc plus horrible de toute l’existence. Des araignées mort-vivantes. Contente pour toi. Maintenant dégage-les de mon auberge.

Erin

Après ? Bah euh… quoi ? Je sais pas ce qu’il y a après. J’ai continué de lire, ai rattrapé la parution et depuis je me fais chier en terme de culture. The Wandering Inn a détruit mes attentes en terme de narration et de personnages. Je n’ai mentionné qu’Erin pour ne pas vous en dire plus, mais des personnages incroyables il y en a plein dans The Wandering Inn, Erin, Ryoka, Lyonette, Saliss, Mrsha aussi (pirate a réussi à rendre une enfant intéressante dans un récit pareil), Pisces, Pawn, Ksmvr, Klbkch, Relc, Teriarch, Ceria, Yvlon, Rags, Numbtongue, Badarrow, Rabbiteater, Zel, Ilvriss… merde je pourrais encore en nommer plein ! Ils ont beaucoup plus de vie et de profondeur que de nombreux autres personnages que j’ai lus jusqu’ici, mais c’est peut-être parce que l’histoire de l’auberge vagabonde est tellement énorme… J’ai bien conscience que c’est sans doute grâce à cette liberté editoriale dont profite pirateaba que l’histoire est si longue, et donc si bien. Oui elle a un prix, mais un prix que j’ai bien voulu payer, comme quand je me suis lancé dans l’intégrale de Star Trek sur Netflix ou dans la Légende des Héros de la Galaxie ou la série des Trails en jeu vidéo (même si j’ai beaucoup de reproches à faire à certains épisodes de la série) pour ne citer que les plus longs.

Ça a redéfini ma façon d’approcher les oeuvres, et ce que j’en attends. Pour moi il y a réellement un avant et un après.

Ça a aussi redéfini ma façon de réfléchir à mes oeuvres. Je dois terminer Eternity, je dois trouver le courage de le faire, et je pense que je le ferai, mais en revoyant mon process. Ecrire, ecrire, ecrire, ne pas me retourner, suivre le chemin de pirateaba. Même si je n’écrirai pas autant, j’écrirai, je continuerai à écrire, sans me poser de questions, sans chercher à justifier tout et n’importe quoi, sans chercher les micro-détails qui me font perdre du temps. Je dois aller de l’avant, c’est comme ça que ça sort le mieux. C’est toujours en faisant des sessions sans s’arrêter que je m’en sortais le mieux. Ça va être dûr de revenir à Eternity qui va me sembler bien fade lui aussi, mais je dois le faire. Déjà parce que je déteste laisser quelque chose d’inachevé, mais aussi parce que j’ai envie d’écrire autre chose après. Une histoire sur une maid, oui, enfin, et son involontaire maîtresse.

Rigolez pas mais j’ai eu l’idée en allant chercher un kebab.

Voilà, j’ai déjà pas mal écrit sur le sujet (cet article dépasse les 6 500 mots), je devais le faire en fait car ça me trottait dans la tête depuis longtemps. Comme je le disais au début, je force, je force, ouais, mais ce genre d’oeuvre, c’est arrivé qu’une poignée de fois dans ma vie, et je suis tellement heureux de le connaître et de le faire partager. Quand Amo force avec Symphogear, je peux pas dire que j’accroche à la série comme je le disais plus tôt, mais bordel, comme je te comprends Amo. Je te comprends totalement. C’est super d’être passionné par une série, un film, un livre, un jeu vidéo.

Parce que la PASSION c’est la vie. C’est créer des choses qui nous fait exister. Alors ne nous arrêtons pas.